mercredi, avril 26, 2006

Again and again

Quand on écrira ma biographie, il y aura un long passage qui commencera par "A 14 ans, Margaux découvrit les vinyles" ou alors "elle découvrit Patti Smith" ou alors "elle découvrit Birdland", toujours est-il que ça serait un des paragraphes les plus édifiants de toute l'histoire de la musique. On y parlerait de neufs minutes, de suffocation, de trouvailles, de retrouvailles, de lucidité, de beauté, d'omniscience et de New York. Dans un petit encadré, au milieu de la page, centré vers la droite, on notera que le 18 mars fut le jour où une voix féminine réussit à toucher Margaux et à lui injecter la seule et unique pensée "ça surpasse tout ce que j'ai pu écouter jusqu'à maintenant". On mentionnera bien que Margaux a grandi, maintenant. Lou Reed ne lui donne plus envie de pleurer, elle a appris le self-control, elle réalise que tout ça a été ridicule. On racontera aussi en détail comment cette révélation fut suivie par la trouvaille d'un sublime appartement londonnien rempli de vinyles. Et on finira en racontant comment Margaux finit sa vie à côté du tourne disque à faire jouer le bras sur les sillons et comment elle ne s'est jamais lassée d'entendre le son s'étouffer lorsqu'on éteind.

Parfois je me dis que si je pouvais, je ne mangerais que des cacahuètes et du clafoutis. Et que si je pouvais (encore ?), tout ce que je toucherais se changerait en musique. Ca serait cool ça. Je sais pas, j'ai l'impression d'être, je sais pas. Ca m'occupe d'écrire. Je dirais bien que ça me plait mais depuis que j'écris avec la hantise de mettre ça sur mon blog, je ralentis sur les conneries donc ça réduit considérablement mon champ d'action.
J'ai sommeil, j'aime pas dormir à cette heure-là.

Je sais toujours pas.
Le hibou et la mouche qui bourdonne. Ne rends pas ça plus difficile. L'ombre de mon crayon serpente sur un pli du hamac au rythme des balancements. Il y a trop de soleil.
Je sais pas.

J'ai vu ma soeur. Lou. Elle est vraiment toute, toute petite. Elle est toujours entrain de bouger sur son dos, de gigoter, elle me donne l'impression que les bébés sont toujours entrain de souffrir. Ca me faisait un peu peur mais ça aurait pu m'occuper des heures, la prendre dans mes bras et la caresser et sentir le dessus de sa tête. Moi aussi je trouvais ça niais de s'extasier devant un bébé mais finalement ça me va bien.


Je vais faire une tarte au chocolat.

dimanche, avril 09, 2006

We hope that you choke, that you choke.

[ The first time, it happened too fast. The second time, I thought it would last. We all like it a little different ]




J’ai envie de parler de musique. J’ai envie de pouvoir faire comprendre l’effet que me fait une voix monotone sur un rythme effréné, des doigts qui se déplacent tellement vite sur le manche d’une guitare qu’on se demande si ce n’est pas un spasme, une ligne de basse qui parait si évidente tout à coup.
Ca m’arrive, comme ça, d’écouter tant de fois la même chanson que je la connais par cœur en une soirée ( Hawaii ), ou de me rendre compte qu’une performance me donne des frissons ( Take It Or Leave It ), comme ça, sans raison, ou peut-être avec raison justement. Parce qu’en arriver à jeter son micro, à tirer sur ses vêtements, à se déformer le visage en disant juste quelques mots, c’est avoir vraiment compris que la musique, c’est dingue.




C’est la musique qui, mine de rien, rapproche tout le monde. Tout le monde aime la musique, tout le monde. Il y en a qui mettent juste la radio pour ne pas être seul avec leur casserole, quand ils attendent l’ébullition. Il y en a qui mettent tout en œuvre pour faire partie de l’ébullition. Et même si j’ai l’impression de le dire incessamment depuis que j’ai eu cette cassette de l’alphabet musical, l’ébullition, je la ressens vraiment, et je m’en lasse pas. Dans ces millions de petites bulles, je trouve ce qui manque au quotidien, numéro 25. Je ne me lasse pas de me fasciner pour les chansons, ces petites choses de trois minutes, où tout ment, où tout est juste éphémère et incroyable, comme quelque chose extrait d’un tout beaucoup plus grand et plus profond et tu sais que plus c’est rare, plus c’est précieux. Et comment une chanson peut avoir une atmosphère, t’envoyer des petits points rouges, ou des cercles retro roses et blancs, ou te faire penser à un après-midi allongé sur ton lit, à te demander si tu seras malade, si tu iras à la plage. Et comment un simple objet. Une simple chose peut avoir la même portée qu’une chanson, de l’autre côté du réel, de la pensée palpable, des émotions à diffusion rapide. Comme une guitare, pas dans n’importe quelles mains, pas surplombant n’importe quelles jambes, pas avec n’importe quels doigts. Et puis les mots aussi, les mots qui, prononcés par une autre bouche n’auraient pas eu le même pouvoir, pas entourés des mêmes, pas sur le même ton, pas avec la même volonté ou même manque de volonté. Comment ces gens peuvent s’infiltrer dans tes sentiments et te les voler pour les mettre sur une partition, et te les rendre sous cette forme. Un micro climat à usage unique.

I say the right things but act the wrong way

I like it right here but I cannot stay
I watch the TV; forget what I'm told
Well, I am too young, and they are too old
Oh, man, can't you see I'm nervous, so please
Pretend to be nice, so I can be mean
I miss the last bus, we take the next train
I try but you see, it's hard to explain



Et puis la réalité revient. Celle où je peux pas dire ça dans tous mes devoirs de maths et autour de tous nos sandwichs jambon fromage. Celle où je dois me contenter de le penser, sans savoir si après tout, tu me prendrais pour une cinglée. Juste histoire de savoir si je suis la seule à qui ça fait ça. Ca m’inspire un seul mot, un mot que je dois arrêter de dire parce que c’est une grossièreté mais qui est pourtant le seul à contenir toute la fascination, et l’interrogation, et la révolte pas trop violente, et la torture que me provoque la simple pensée que c’est impossible d’exprimer ce que m’injecte la musique. Et impossible de comprendre ce qu’elle t’injecte à toi. Je crois que simplement, la musique, ça me fait devenir qui je voudrais être et c’est irrévocable, je dis la musique parce que je m’étais jurée de ne pas citer de nom propre, mais en même temps, la musique, c’est ma musique. Ca inclut rien d’autre. Ca inclut ce qui me fait fermer les yeux, ce qui m’allonge par terre ou qui me fait enfin taire un moment, ce qui me ferait dire « Oh god » si j’étais américaine, ce qui me fait chercher les lignes de basse. Je sais que j'ai déjà parlé de la basse. J’ai une obsession avec les lignes de basse. Depuis que j’ai entendu celle de Reptilia ( tant pis ), je passe mon temps à les chercher, et j’ai beau dire que ça m’amuse follement, je suis la seule à partager cet engouement.

Mais j'aime ça parce que c'est la seule chose qui dure depuis toujours et qui durera toujours, je m'emballerai pour quelque chose et pour autre chose, et pour autre chose, et à chaque fois je dirai qu'on ne peut pas faire mieux, qu'il n'y a jamais eu mieux, qu'il n'y aura jamais mieux, et à chaque fois je trouverai quelque chose de mieux et je recommencerai tout du début, et je garderai les autres en mémoire, et je les aimerai encore parce que je suis pas ingrate et que j'ai de la tendresse, et que quelqu'un qui est capable de composer de la musique est quelqu'un qui a de la place dans mon affection, et que --


[ EXIT ]

mardi, avril 04, 2006

I forgot

Quand je serai grande, j’instaurerai une dictature de la perfection (la langue française vaut vraiment tous les spéculoos du monde parfois).

Il y aurait légalisation des romans de la comtesse dans toutes les fiertés.
N’importe qui serait capable de décrire une odeur sans connaître le nom de la fleur.
Il y aurait plus d’oranges écrasées dans les rues.
Les orages éclateraient toujours à dix huit heures.
Parfois, on serait au milieu de gens et on se rendrait compte que tout le monde est bras nus et on se mettrait à les aimer.
Les générateurs de poèmes pour skyblogs seraient brûlés sur la place publique.
Ca sentirait plus souvent le feu de bois, la Javel, l’eau de Cologne, les filtres de cigarette, le shampoing, le gazon fraîchement coupé, les ballons de basket et le gâteau au Yaourt.
Plus de gens diraient « I don’t see what anyone can see in anyone else but you ».

Plus de gens seraient touchés par ça.
Moins de gens me détesteraient.
Je mettrais moins tout en œuvre pour fissurer deux semaines d’espoirs naïfs en une soirée.
Le truc qui prend de la place dans l’hémisphère nord ouest de ma cage thoracique ne se changerait pas en des milliards d’allumettes allumées quand il est dans les environs. Il arrêterait de persuader mon cerveau qu’il a raison et laisserait les fonctions linéaires et la conjugaison du subjonctif imparfait espagnol prendre la priorité. Il prendrait un aller simple pour mes yeux avec option raison et verrait que tout ça n’a aucun sens.
Il se concentrerait sur autre chose.

On saurait décrire l'été. Le sentiment qu'inspire une classe sliencieuse, laissant le ciel devenir bleu dehors, le silence heureux dont semble se charger l'air. Les arbres qui sont devenus roses sans qu'on ait eu le temps de le réaliser, les mollets des garçons qui se découvrent dangereusement. L'intérieur qui se vide, l'extérieur qui se remplit. Les épaisseurs qui disparaissent, les avant bras qui apparaissent. La sensation qu'on pourrait en être encore plus reconaissant mais que d'autres ont pris la place avant nous. Les chats qui se prélassent sur les scooters, les odeurs qui s'intensifient dans les petites rues. Traverser la rue légèrement. Penser que ça aurait pu être autrement. Ne plus y penser. Y repenser.
Ne plus y penser.