If you see me now, you won't see me alone
Que ça excite, je le conçois, que ça impatiente, évidemment, mais si il y a une réaction à laquelle j'adhère, c'est la peur. C'est à se demander si tout le monde saisit vraiment l'ampleur du sacrifice. Grandir, ça veut dire renoncer à l'argent de poche, aux tarifs réduits, à la sécurité sociale de nos parents, au tutoiement spontané et au droit inaliénable de regarder Totally Spices en cas de gros cafard.
On ne m'a pas appelée Madame du jour au lendemain ou proposé de m'asseoir dans le tram, au contraire, je fais, et je ferai quinze ans jusqu'au jour où je trouverai enfin quel détail physique me différencie des collégiens que je croise.
Je baisse encore les yeux devant une bande de pré-pubères pour cette raison, même si l'éducation nationale sait que j'ai mon bac, la DDJS sait que j'ai mon BAFA et le CSN sait que j'ai plus de 17 ans, qu'est-ce qui prouve vraiment que je suis entrée dans ce monde étrange et aux barrières invisibles qu'on appelle le monde des grands ?
Qu'est-ce qui leur permet, à tous, de me parler d'envois recommandés, de CAF, de feuille de soin, de quittance de loyer et d'allocations logements alors que le reste du monde pense que je suis encore au collège ?
La peur, c'est pour ça. Ce grand lâcher de chevaux, cette chute sans élastique dans ce qui n'est pas inconnu mais pas familier non plus, un endroit ou de nouvelles qualités vous seront demandées, il faut maîtriser la diplomatie, la persévérance, la connaissance aiguisée des services de La Poste, la séduction.
La séduction. Un mot qui marche dans ma tête depuis quelques temps, et il a pas mis ses mocassins, plutôt des talons aiguilles qui appuient là où ça fait vraiment mal.
A son premier pas, il s'écrase sur l'éducation. Celle que certains reçoivent ne prépare pas à séduire, ils sont aimés par tous et sans conditions, sans débordements non plus, si on les aimait vraiment trop, ça les pousserait à chercher ce degré chez d'autres, et à développer un atout d'attraction. On leur donne donc juste ce qu'il leur faut.
Au deuxième pas, il piétine les faits. Les faits sont cette appellation putride qui regroupe tout ce qui est dénué d'innocence, d'espoir, de fantaisie, tout ce qui est. Les faits sont parfois durs et froids, parfois ils prennent la voix d'un vieux monsieur qui, à travers les poils de sa moustache, vous dit « Margaux, regarde toi, regarde les autres. Tu sais faire pas mal de choses, mais ça tu ne sais pas, et ça va être infiniment douloureux à apprendre. Regarde les filles danser, rire, ne pas détourner le regard, se pencher pour écouter, ne pas avoir peur ce que qui pourrait arriver, regarde et dis toi bien que ça, ça n'est pas toi ».
Et puisqu'une sainteté n'est pas sainte sans trinité, la séduction pose pour finir la pointe de son pied sur un point d'interrogation. C'est comme secouer un essaim, c'est s'attendre à ce qu'un nuage de questions qui piquent, grattent, enflent et rougissent. Le travail, les foules, les enfants, les autres, simplement, tout ce petit monde doit être séduit et c'est sur quoi repose le monde, grâce à quoi il tourne, il n'y a que les séducteurs qui réussissent, il n'y a qu'eux qui connaissent vraiment la réponse au grand secret.
Être un adulte, c'est un terrain sur lequel on se s'engage pas sans arrières, sans entraînement, sans balises, et justement, le premier flambeau, la première lueur dans la nuit, ça a été cela, la certitude que pour réussir, il faut maîtriser ces arts, ceux qui me feront changer le monde.
2 Comments:
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